Aux
bras de mes branches les pousses tendres de mon premier printemps
raturaient un ciel trop bleu pour un avril. La silhouette du
château me toisait de sa lourdeur de pierre. Le grelot d’un
attelage berçait ces soirs où, sous le regard argenté de la lune,
le village s’assoupissait.
Du
sommet de ma tête dodelinant sous le vent d’Est, j’observais le
Mont Pilat. Il me visait de sa flèche guerrière sortie d’une
sarbacane de genêts odorants. On dit que cet arrogant voisin sert de
référence barométrique, mais on ignore que mon parfum change entre
soirs d’orage et clémence de mai. Mes cils verts tombent parfois
sous les assauts de la tourmente quand ma tête s’infléchit aux
rafales. Je rassemble mes forces pour éviter la fracture ouverte en
mes innombrables membres. Je sens encore l’odeur de ma sève
épanchée lors de la tempête, mon moignon encore souffre de sa
violence. Longtemps des larmes de résine ont perlé aux yeux bouffis
de mon tronc déchiré. J’ai ensuite peu à peu, grâce au sourire
nacré de Phébus, au limpide bonjour d’une pluie régulière pu
accomplir ma résilience...
Je
me souviens du bruit de la tronçonneuse démembrant le grand séquoia
mon voisin. Ces pétaradantes victoires sur un des miens hurlaient
l’angoisse au cœur de ma souche. Les interrogations sur ma survie
ont ridé mon front où des sillons d’écorces naissent en terre
d’inquiétude. Les lilas dont la présence odorante me rassure,
m’ont répété, dans l’écoute d’un soir, les accusations
portées contre moi. Elles méprisent ma vocation de soutien à la
terre que la pluie entraîne dans ses divagations. Les hommes
semblent oublier notre don d’oxygène, trop préoccupés par leur
désir d’extension immobilière.
L’écureuil,
les mésanges, les merles, mes amis fidèles savent eux notre
utilité. Qu’est, le bon sens paysan des hommes, devenu ? Quel
génocide de la nature se profile encore dans les esprits de ces
citadins venus pour coloniser la campagne ? Sans doute me faut-
il élaguer l’amertume qui, comme un lierre, envahit mes rameaux
griffus ?
J’ai
aussi pour compagnons quelques hérissons en attente de mes épines
pour composer un gîte à leurs petits. Ils s’avancent à peau nu,
timides effleurant mon large pied, de la pointe de leur museau tendu,
prêts à l’esquive, et je mesure de mon regard vert obscur, la
croissance de leur progéniture. Déjà décimés, la folie
humaine les menace encore.
Parfois
une chatte bourrue me laboure un peu le thorax pour signer son
territoire, je feins de ne pas avoir mal car sa présence me fait me
sentir encore utile. A l’appel inquiet de sa blonde maîtresse,
elle me lance un léger miaulement d’au-revoir.
Exceptés
ceux-là et les poètes, beaucoup ignorent qu’un arbre, ça parle.
J’ai beaucoup dialogué avec Octavio Paz que la violence des
humains a déraciné du Mexique. Si dans la clairière d’une
journée tu es capable de poser ton silence comme un papillon, de me
rejoindre dans le tapis d'herbe sèche, tu pourras alors toi aussi
m’entendre et me répondre….
A
mon grand cèdre calomnieusement incriminé par la D.D.E. F
VINCENT
Au
printemps on redécouvre la poésie des saisons et la nature endormie
se réveille, craquèle, s’ébroue, s’éclate et s’épanouit.
De ma
fenêtre quel régal, j’aperçois le pommier du Japon dont les
fleurs d’un rose lumineux, me réjouissent les yeux après cet
hiver morose.
Ensuite,
c’est au tour des cerisiers dont la tête se recouvre d’une
blanche chevelure.
La
pelouse accueille vertement les orgueilleuses jonquilles très
droites. Les tiges des rosiers s’enveloppent d’un feuillage
fourni pour abriter les futurs boutons.
Voilà
les tulipes toujours pressées, leur vie est courte et le moindre
souffle d’air disperse leurs corolles.
En
mai, un bataillon de brins de muguet squatte une plate bande près du
mur ensoleillée. Petit à petit sa stratégie paie, il avance brins
serrés, défendant ses petites clochettes parfumées ne demandant
qu’à grandir.
La
lavande, le romarin, le thym, la menthe soignent leur apparence afin
d’être prêts pour le show des senteurs prévu un peu plus tard
dans l’été.
Après
le fantasque mois d’avril, mai et juin seront plus cléments et
prévenants pour les azalées, camélias, géraniums, rhododendrons.
Cette
débauche de couleurs, de senteurs annonce l’été….. La terrasse
devant la maison résonnera de nouveau des rires et des chants des
invités.
Autour
des barbecues réunions des amis, de la famille en plein air dans le
jardin, quels bons moments en perspective !
Mais
les saisons s’écoulent trop vite, Déjà l’automne avec ses
flamboyances, ses tons de rouille, brun et or.
La
bise légère, s’aigrît et devient cinglante tout comme sa cousine
la pluie
l’accompagnant
de plus en plus souvent.
De
belles promenades en arrière saison avec l’odeur de l’humus
imprégné d’humidité. Les fougères, les bruyères sentinelles
des sentiers forestiers s’inclinent légèrement à notre passage.
Les
fleurs du jardin s’étiolent frissonnant d’inquiétude à
l’approche des frimas de l’hiver qui s’annoncent.
La
nature par sa poésie et sa magie se dévoile. Mais attention ayons
des égards pour elle sinon elle se transforme en harpie vengeresse.
L’âme
du jardin c’est un souffle fragile, délicat, éphémère mais si
exaltant !
Ce matin là,
lorsque je me suis réveillé après ce rêve étrange, la première
chose que je vis fut les branches du prunus qui trônait tel un roi
au centre du jardin. Le printemps a toujours été ma saison
préférée, car c’est là où l’on peut admirer ses magnifiques
fleurs roses. Le prunus de notre jardin est le plus bel arbre que
j’ai jamais vu. Enorme, imposant, il étend fièrement ses branches
par-dessus le balcon de la maison. Majestueusement, il domine les
alentours de toute sa splendeur et ses branches, feuilles et fleurs
forment un ensemble parfait, une cime toute ronde telle une sucette à
la fraise et à la menthe verte et rose au bout de son bâtonnet.
Je restais
là à écouter la brise bruisser dans ses branches. Etendu sur le
dos, je me perdais alors à l’intérieur de l’arbre, je
m’imaginais l’escaladant, évitant, contournant, me hissant parmi
les entrelacs de petits troncs, montant toujours plus haut, jusqu’au
sommet. Là, dans ma tête, je me couchais soudain et mon corps
épousait la rondeur de la cime. Il se réchauffait au soleil
printanier tandis que j’observais la forme blanche des nuages dans
le ciel.
Le vent
faisait murmurer les branches… « Je suis toujours là. ».
« Je suis toujours avec toi. ». « Je ne t’ai
pas oublié. » Dans mon lit, soudain, je sursautais. N’étais-je
pas encore en train de rêver ? Cette voix…Où l’avais-je déjà
entendu ?
Me
concentrant davantage, je me perdais encore plus dans la
contemplation du prunus. J’ouvris la fenêtre et me penchais.
Malheureusement mon bras n’était pas assez grand pour toucher le
tronc de ce respectueux ancêtre. Levant les yeux au ciel, je me mis
à fixer l’intérieur de cette boule, de cette sphère contenant
tout un monde végétal et animal. Je voyais les fourmis escalader
péniblement le tronc, tandis que de petites pousses vertes se
frayaient un chemin entre les épines.
Le vent
refit bouger légèrement les branches et les feuilles et cette fois
j’entendis très distinctement « Je ne t’oublierais
jamais ». « Ne t’inquiète pas, je veille sur
toi. » C’était une voix de femme, une voix de vieille femme
qui avait vécu et supporté beaucoup de choses dans sa vie. Et c’est
là que je la reconnu.
« Grand-mère
? » murmurais-je alors, me trouvant soudain stupide de parler à
un arbre.
Personne, ou
devrais-je plutôt dire rien ne me répondit. Bien entendu, qu’est-ce
que je croyais ! Un arbre, ça ne parle pas ! J’attendis pourtant
quelques instants avant de fermer la fenêtre tout en secouant la
tête. Décidément, mon imagination me jouait toujours de sacrés
tours !
Depuis,
chaque fois que je vois cet arbre, je pense à ma grand-mère bien
aimée, je touche le tronc tout en regardant l’intérieur, jusqu’à
la cime, me perdant en imagination parmi les branches.
Ce fut
quelques années plus tard que mes parents prirent la décision de le
couper. En pleurs, ne sachant comment leur expliquer combien cet
arbre était important pour moi, je ne réussis pas à les convaincre
et mon prunus, le plus bel arbre au monde, le plus bel arbre de mon
monde fut tranché en d’horribles petits tronçons qui servirent à
alimenter la cheminée de quelques voisins.
Désormais,
à présent, je regarde toujours le jardin avec un petit pincement au
cœur, fixant la place vide qu’à laissé le prunus, comme si cela
pouvait l’aider à repousser rien que par la force de mon
imagination. Mais le jardin avait perdu son petit plus, le jardin
avait perdu son âme.
Je ne sais
si les cendres de ma grand-mère que l’on avait enterrées là
s’envolèrent dans le vent au fil des années suivantes, mais plus
jamais je n’entendis sa voix, sauf dans mes rêves quand elle
daignait me rendre visite quelques fois. Quant à la place du prunus,
elle, resta toujours vide et aucun autre arbre ne fut planté.
Mais cette
aventure de l’arbre parlant avec la voix de ma grand-mère demeura
à jamais gravée dans mon cœur et dans mon âme.
Lamartine a dit objets inanimés avez-vous une âme?,qui saurai le
dire,mais nos jardins eux vivent et meurt,nous les faisons renaître à
chaque saison.
Dans mes souvenirs celui de ma grand'mère à la campagne
avec ses massifs fleuris cernés d'une petite haie de buis,toutes les
couleurs si côtoyaient, rouge jaune orange bleue blanc tellement
agréable à nos sens,fleurs oubliées de nos jours avec la venu de
la culture hybride,pourtant je n'ai jamais retrouvé l'odeur si suave si
délicate des ces rosiers,sans en avoir tout l'éclat d'aujourd'hui,une
allée agrémentant la joie de l'accueil.
En vacances nous remontons le temps, en visitant les
châteaux et leurs jardins à la française, parterre ordonné,
géométrique,le talent dans l'élégance,le savoir faire,la patience des
jardiniers.Celui particulier de Villandry ou dans les parterres les
fleurs font place aux légumes, variant les verts du potager,
Et puis ce peintre au nom impossible à retenir Arcimbolodo
dont l'imagination débordante lui fit peindre des visages composé avec
fruits et légumes, évoquant les quatre saisons.
quant à moi restons modeste, avec mes trois jardinières fleuries sur mon balcon.
Ses
lignes strictes structurent l’espace comme elles organisent la
pensée.
Son
foisonnement anarchique et coloré distille dans nos veines les sucs
de la vie.
Cet
espace est à l’image de celui qui l’a pensé, qui l’a créé
en œuvrant pour lui-même et pour le plaisir des autres, plaisir
visuel, plaisir gustatif.
C’est
un compagnon exigeant voire tyrannique, il ne supporte pas qu’on
l’oublie de quelques jours sinon il se révolte et prolifère
sauvagement.
Le
désordre reprend le pas, il se dessèche faute de l’éléxir dont
lui fait don quotidiennement le jardinier.
En
effet, car vous l’aurez compris, cet espace enchanteur est le
jardin :
Jardin
d’agrément
Jardin
partagé
Jardin
floral
Jardin
botanique
Jardin
de curé
Jardin
zen
Jardin
aquatique.
Une
multitude de choix, d’orientations dans lesquels il faut trouver sa
voie, son parti pris au cœur de la jungle naturelle.
Déjà
l’espace lui-même impose ses lois.
C’est
un dialogue et un compromis permanent entre soi et l’autre, lopin
de terre qu’il faut écouter et maîtriser tour à tour, bichonner
sans en devenir esclave.
Aimer,
aimer prendre soin, aimer partager, aimer donner de son temps, aimer
mettre son corps à mal.
Parfois
récompensé par une explosion de couleurs, de senteurs, de saveurs,
parfois frustré, déçu, contrarié, en colère contre l’ingratitude
de la nature face à l’investissement que cet espace a nécessité.
Finalement
il me semble bien qu’entreprendre un jardin met en œuvre les mêmes
qualités qu’il faut pour être en relation avec l’autre,
l’humain.
Commentaires
VALSE A TROIS TEMPS
Les sanglots longs des violons de la vie
Blessent mon cœur d’une tristesse infinie.
Clochettes bleues des pétunias ou delphiniums
Tintent agréablement parmi les géraniums.
Allez les copains jouez chantez pour moi !
Votre belle harmonie ravive mon émoi.
J’inventais par le monde un chemin jusqu’à toi
C’était loin, notre étoile s’enfuyait sous mes pas.
Teinte rouge des cognassiers, jaune or des forsythias,
Les primevères s’étalent jusqu’au ton de lilas…
Vos sourires, votre gaieté vos voix et vos arpèges
Dépoussièrent mon cœur d’un triste sable grège.
Je porte ses colères comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent exister.
La pie majestueuse foule le gazon vert
Des tourterelles en couple roucoulent dans les airs.
Les flammes des briquets, les frappements de main
Effacent de ma vie le douloureux chagrin.
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer
Car la mer et l’amour ont souvent goût amer.
Le magnolia qui nous enchanta est en feuilles
Dans les pins noirs d’Autriche se cache un écureuil.
Mais le temps passe vite, déjà il est minuit
La soirée est finie retombe la magie.
Dans le vent jardin geint siffle hurle et pleure
Après des jours tourments j’ai encore un peu peur.
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous fûmes aimés.
Le temps est assassin et emporte avec lui
Le rire des enfants, les fleurs nos amies
….Et les amours aussi… Danièle 16/04/2011
DanièleL’AME DU JARDIN
Aux bras de mes branches les pousses tendres de mon premier printemps raturaient un ciel trop bleu pour un avril. La silhouette du château me toisait de sa lourdeur de pierre. Le grelot d’un attelage berçait ces soirs où, sous le regard argenté de la lune, le village s’assoupissait.
Du sommet de ma tête dodelinant sous le vent d’Est, j’observais le Mont Pilat. Il me visait de sa flèche guerrière sortie d’une sarbacane de genêts odorants. On dit que cet arrogant voisin sert de référence barométrique, mais on ignore que mon parfum change entre soirs d’orage et clémence de mai. Mes cils verts tombent parfois sous les assauts de la tourmente quand ma tête s’infléchit aux rafales. Je rassemble mes forces pour éviter la fracture ouverte en mes innombrables membres. Je sens encore l’odeur de ma sève épanchée lors de la tempête, mon moignon encore souffre de sa violence. Longtemps des larmes de résine ont perlé aux yeux bouffis de mon tronc déchiré. J’ai ensuite peu à peu, grâce au sourire nacré de Phébus, au limpide bonjour d’une pluie régulière pu accomplir ma résilience...
Je me souviens du bruit de la tronçonneuse démembrant le grand séquoia mon voisin. Ces pétaradantes victoires sur un des miens hurlaient l’angoisse au cœur de ma souche. Les interrogations sur ma survie ont ridé mon front où des sillons d’écorces naissent en terre d’inquiétude. Les lilas dont la présence odorante me rassure, m’ont répété, dans l’écoute d’un soir, les accusations portées contre moi. Elles méprisent ma vocation de soutien à la terre que la pluie entraîne dans ses divagations. Les hommes semblent oublier notre don d’oxygène, trop préoccupés par leur désir d’extension immobilière.
L’écureuil, les mésanges, les merles, mes amis fidèles savent eux notre utilité. Qu’est, le bon sens paysan des hommes, devenu ? Quel génocide de la nature se profile encore dans les esprits de ces citadins venus pour coloniser la campagne ? Sans doute me faut- il élaguer l’amertume qui, comme un lierre, envahit mes rameaux griffus ?
J’ai aussi pour compagnons quelques hérissons en attente de mes épines pour composer un gîte à leurs petits. Ils s’avancent à peau nu, timides effleurant mon large pied, de la pointe de leur museau tendu, prêts à l’esquive, et je mesure de mon regard vert obscur, la croissance de leur progéniture. Déjà décimés, la folie humaine les menace encore.
Parfois une chatte bourrue me laboure un peu le thorax pour signer son territoire, je feins de ne pas avoir mal car sa présence me fait me sentir encore utile. A l’appel inquiet de sa blonde maîtresse, elle me lance un léger miaulement d’au-revoir.
Exceptés ceux-là et les poètes, beaucoup ignorent qu’un arbre, ça parle. J’ai beaucoup dialogué avec Octavio Paz que la violence des humains a déraciné du Mexique. Si dans la clairière d’une journée tu es capable de poser ton silence comme un papillon, de me rejoindre dans le tapis d'herbe sèche, tu pourras alors toi aussi m’entendre et me répondre….
A mon grand cèdre calomnieusement incriminé par la D.D.E. F VINCENT
FrançoiseL’âme du jardin
Au printemps on redécouvre la poésie des saisons et la nature endormie se réveille, craquèle, s’ébroue, s’éclate et s’épanouit.
De ma fenêtre quel régal, j’aperçois le pommier du Japon dont les fleurs d’un rose lumineux, me réjouissent les yeux après cet hiver morose.
Ensuite, c’est au tour des cerisiers dont la tête se recouvre d’une blanche chevelure.
La pelouse accueille vertement les orgueilleuses jonquilles très droites. Les tiges des rosiers s’enveloppent d’un feuillage fourni pour abriter les futurs boutons.
Voilà les tulipes toujours pressées, leur vie est courte et le moindre souffle d’air disperse leurs corolles.
En mai, un bataillon de brins de muguet squatte une plate bande près du mur ensoleillée. Petit à petit sa stratégie paie, il avance brins serrés, défendant ses petites clochettes parfumées ne demandant qu’à grandir.
La lavande, le romarin, le thym, la menthe soignent leur apparence afin d’être prêts pour le show des senteurs prévu un peu plus tard dans l’été.
Après le fantasque mois d’avril, mai et juin seront plus cléments et prévenants pour les azalées, camélias, géraniums, rhododendrons.
Cette débauche de couleurs, de senteurs annonce l’été….. La terrasse devant la maison résonnera de nouveau des rires et des chants des invités.
Autour des barbecues réunions des amis, de la famille en plein air dans le jardin, quels bons moments en perspective !
Mais les saisons s’écoulent trop vite, Déjà l’automne avec ses flamboyances, ses tons de rouille, brun et or.
La bise légère, s’aigrît et devient cinglante tout comme sa cousine la pluie
l’accompagnant de plus en plus souvent.
De belles promenades en arrière saison avec l’odeur de l’humus imprégné d’humidité. Les fougères, les bruyères sentinelles des sentiers forestiers s’inclinent légèrement à notre passage.
Les fleurs du jardin s’étiolent frissonnant d’inquiétude à l’approche des frimas de l’hiver qui s’annoncent.
La nature par sa poésie et sa magie se dévoile. Mais attention ayons des égards pour elle sinon elle se transforme en harpie vengeresse.
L’âme du jardin c’est un souffle fragile, délicat, éphémère mais si exaltant !
Simonne, le 16 avril 2011
SIMONEL’âme du jardin
Ce matin là, lorsque je me suis réveillé après ce rêve étrange, la première chose que je vis fut les branches du prunus qui trônait tel un roi au centre du jardin. Le printemps a toujours été ma saison préférée, car c’est là où l’on peut admirer ses magnifiques fleurs roses. Le prunus de notre jardin est le plus bel arbre que j’ai jamais vu. Enorme, imposant, il étend fièrement ses branches par-dessus le balcon de la maison. Majestueusement, il domine les alentours de toute sa splendeur et ses branches, feuilles et fleurs forment un ensemble parfait, une cime toute ronde telle une sucette à la fraise et à la menthe verte et rose au bout de son bâtonnet.
Je restais là à écouter la brise bruisser dans ses branches. Etendu sur le dos, je me perdais alors à l’intérieur de l’arbre, je m’imaginais l’escaladant, évitant, contournant, me hissant parmi les entrelacs de petits troncs, montant toujours plus haut, jusqu’au sommet. Là, dans ma tête, je me couchais soudain et mon corps épousait la rondeur de la cime. Il se réchauffait au soleil printanier tandis que j’observais la forme blanche des nuages dans le ciel.
Le vent faisait murmurer les branches… « Je suis toujours là. ». « Je suis toujours avec toi. ». « Je ne t’ai pas oublié. » Dans mon lit, soudain, je sursautais. N’étais-je pas encore en train de rêver ? Cette voix…Où l’avais-je déjà entendu ?
Me concentrant davantage, je me perdais encore plus dans la contemplation du prunus. J’ouvris la fenêtre et me penchais. Malheureusement mon bras n’était pas assez grand pour toucher le tronc de ce respectueux ancêtre. Levant les yeux au ciel, je me mis à fixer l’intérieur de cette boule, de cette sphère contenant tout un monde végétal et animal. Je voyais les fourmis escalader péniblement le tronc, tandis que de petites pousses vertes se frayaient un chemin entre les épines.
Le vent refit bouger légèrement les branches et les feuilles et cette fois j’entendis très distinctement « Je ne t’oublierais jamais ». « Ne t’inquiète pas, je veille sur toi. » C’était une voix de femme, une voix de vieille femme qui avait vécu et supporté beaucoup de choses dans sa vie. Et c’est là que je la reconnu.
« Grand-mère ? » murmurais-je alors, me trouvant soudain stupide de parler à un arbre.
Personne, ou devrais-je plutôt dire rien ne me répondit. Bien entendu, qu’est-ce que je croyais ! Un arbre, ça ne parle pas ! J’attendis pourtant quelques instants avant de fermer la fenêtre tout en secouant la tête. Décidément, mon imagination me jouait toujours de sacrés tours !
Depuis, chaque fois que je vois cet arbre, je pense à ma grand-mère bien aimée, je touche le tronc tout en regardant l’intérieur, jusqu’à la cime, me perdant en imagination parmi les branches.
Ce fut quelques années plus tard que mes parents prirent la décision de le couper. En pleurs, ne sachant comment leur expliquer combien cet arbre était important pour moi, je ne réussis pas à les convaincre et mon prunus, le plus bel arbre au monde, le plus bel arbre de mon monde fut tranché en d’horribles petits tronçons qui servirent à alimenter la cheminée de quelques voisins.
Désormais, à présent, je regarde toujours le jardin avec un petit pincement au cœur, fixant la place vide qu’à laissé le prunus, comme si cela pouvait l’aider à repousser rien que par la force de mon imagination. Mais le jardin avait perdu son petit plus, le jardin avait perdu son âme.
Je ne sais si les cendres de ma grand-mère que l’on avait enterrées là s’envolèrent dans le vent au fil des années suivantes, mais plus jamais je n’entendis sa voix, sauf dans mes rêves quand elle daignait me rendre visite quelques fois. Quant à la place du prunus, elle, resta toujours vide et aucun autre arbre ne fut planté.
Mais cette aventure de l’arbre parlant avec la voix de ma grand-mère demeura à jamais gravée dans mon cœur et dans mon âme.
Julia Di Folco
JuliaLamartine a dit objets inanimés avez-vous une âme?,qui saurai le dire,mais nos jardins eux vivent et meurt,nous les faisons renaître à chaque saison.
L'ÂME du JARDIN
Hymne aux couleurs,
Hymne aux odeurs.
Il concourre au repos de l’esprit.
Ses lignes strictes structurent l’espace comme elles organisent la pensée.
Son foisonnement anarchique et coloré distille dans nos veines les sucs de la vie.
Cet espace est à l’image de celui qui l’a pensé, qui l’a créé en œuvrant pour lui-même et pour le plaisir des autres, plaisir visuel, plaisir gustatif.
C’est un compagnon exigeant voire tyrannique, il ne supporte pas qu’on l’oublie de quelques jours sinon il se révolte et prolifère sauvagement.
Le désordre reprend le pas, il se dessèche faute de l’éléxir dont lui fait don quotidiennement le jardinier.
En effet, car vous l’aurez compris, cet espace enchanteur est le jardin :
Jardin d’agrément
Jardin partagé
Jardin floral
Jardin botanique
Jardin de curé
Jardin zen
Jardin aquatique.
Une multitude de choix, d’orientations dans lesquels il faut trouver sa voie, son parti pris au cœur de la jungle naturelle.
Déjà l’espace lui-même impose ses lois.
C’est un dialogue et un compromis permanent entre soi et l’autre, lopin de terre qu’il faut écouter et maîtriser tour à tour, bichonner sans en devenir esclave.
Aimer, aimer prendre soin, aimer partager, aimer donner de son temps, aimer mettre son corps à mal.
Parfois récompensé par une explosion de couleurs, de senteurs, de saveurs, parfois frustré, déçu, contrarié, en colère contre l’ingratitude de la nature face à l’investissement que cet espace a nécessité.
Finalement il me semble bien qu’entreprendre un jardin met en œuvre les mêmes qualités qu’il faut pour être en relation avec l’autre, l’humain.
Maryse