La première séance de 2012 a eu pour moi des lumières d'été, merci pour votre présence
chaleureuse en ce jour frileux au dehors. J'apprécie la teneur de vos écrits, la beauté de
vos sourires, la proximité de vos émotions, votre intuition de mes attentes par rapport au
thème...Françoise
Terre natale
Ecrire un texte d'environ une page sous la forme de votre choix qui parle de votre amour pour la terre de votre enfance (lieu de naissance ou d'adoption)
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TERRE NATALE
Chez nous les collines couvrent leurs épaules de mousseline de brume. Les carrés de verdure des champs morcelés s’agitent au souffle de la bise sous le regard stoïque des murets de lauze. Quelques troupeaux alanguis méditent à l’ombre de juin dans les senteurs d’herbe grasse que les vulcains butinent. L’abeille quitte son chalet de bois craquelé pour effectuer les trois huit plusieurs douzaines de fois par jour dans des pistils accueillants. En exil «à la ville» qui bourdonne, le goût de miel des cadrans, en pensée, encolle mes lèvres. J’entends dans la Combe des Pins, le cri d’allégresse du faucon crécerelle à la vue altière de sa proie. Un chien aboie aux nuages qui font la course sur l’azur qui avait promis de rester bleu. Près de la ferme des Pessemesse l’épaule des grands fayards centenaires protège la venue des bolets bruns. Mes mains s’imprégnaient de l’odeur de leur socle obèse lorsque mon Laguiole épargnait leurs racines.
En mai, quelques timides violettes faisaient la révérence sous la bise en s’excusant presque de leur parfum délicat. Je me souviens de ce bouquet composé pour toi ma Bien-aimée avant de te quitter. J’ai avec le tien perçu l’au-revoir des grands conifères, trouvé le myosotis attristé, et l’odeur de la terre de bruyère insistante. S’y mêlait celle de la résine qui larmoyait aux troncs bruns cernés de grenat. Un rossignol m’appelait dans la clairière que le soleil enveloppait de ses bras généreux. Quand le clocher a porté ses six coups métalliques dans le silence d’une fin d’après-midi, j’ai su qu’il sonnait l’adieu !
Ici ma douce, les odeurs citadines agressent en permanence mon nez habitué à respirer «notre bon air», notre bonheur aussi qui fleurait le lilas du grand mur lézardé. Alors je m’assois sur un banc dans la cohue du crépuscule et j’ouvre la commode de mes souvenirs. Ma mémoire contient tant d’images en couleurs en sa boîte-noire, tant d’odeurs inconnues de ces livides passants qui courent pour prendre leur bus. Ont-ils déjà humé le parfum excitant d’une botte de foin ? L’évoquer me donne ô Marie «des pensées impures» ! J’imagine ta gorge veloutée comme le pétale d’une rose, ta nuque douce comme la soie de la lingerie que nous fabriquions là-bas. Mes désirs voguent comme les bateaux sur le Rhône au gré de l’onde. Je revois ta pupille coquine, agrandie quand mes yeux habitaient le consentement des tiens. Nous ne doutions pas alors que mon départ porterait l’horrible nom de délocalisation. La ville ici me semble hostile comme la brume des quais de Saône tellement plus sournoise que notre brouillard échevelé de l’aube.
Marie nourris-tu encore espoir de trouver un travail à Yssingeaux ? Enraciné en Haute-Loire, je suis ce grand séquoia du parc du château arraché de son sol par la tempête. Mon écorce saigne des coups de hache malveillants d’un bûcheron qui ne dit pas son nom. Ma terre natale occupe avec Toi, mon cœur, la retrouverai-je un jour comme avant ? Te retrouverai-je comme avant Marie ?
Texte écrit par F. VINCENT dédié aux salariés de Lejaby à Yssingeaux 43 dont les emplois très qualifiés ont été sacrifiés par une délocalisation en vue d’accroître les dividendes des actionnaires.
francoiseTERRE NATALE
« T’es de quel pays toi ? » m’avait demandé un élève de ma nouvelle classe (la 10 ème depuis le début de l’année). Je m’étais trouvé bien confus de ne savoir quoi lui répondre.
Ma terre, c’est celle que l’on creuse pour fixer les piquets du chapiteau.
Ma terre, c’est la sciure que l’on jette par poignée sur la piste circulaire.
Ma terre, c’est la sueur quotidienne de mes sœurs et frères qui travaillent leurs numéros avec courage pour un public charognard avide d’exploits risqués.
Le cirque Kaspari, c’est ma cour de récréation, ma piaule, mon bar, mon livre de sciences , ma télévision, mon microscope de la vie, mon métier passé, présent et futur. Je suis un enfant de la balle et du voyage, apatride sans terre ni mer.
Je suis né sur le parking du musée militaire de Vannes dans la caravane du grand-père parce que mon paternel faisait le funambule à 7 mètres du sol, et ma mère quelques acrobaties pour que je sorte plus vite.
Ma terre natale, c’est quoi ?
L’endroit anonyme où je suis né ? L’acte de naissance qui m’offre la légitimité d’exister ? Les remparts de Saint Malo où j’ai appris à marcher ? Les rues pavées de Strasbourg où j’ai cassé ma 1ère dent ? Les berges de la Loire où j’ai failli me noyer à 2 ans ?
Ma terre natale c’est le monde mais le monde n’appartient à personne et personne n’appartient éternellement au monde. Comme les vieilles affiches défraichies du cirque, nous ne sommes que de passage. Le lieu de naissance n’est souvent le fait que de contingences, hasards et circonstances alors je n’ai aucune fierté à être de nul part et je préfère être de partout. Puisqu’aucun lierre ne m’a encore retenu à un lieu, j’ai décidé de choisir.
Je suis le grain de sable qui se dore la pilule sur la plage niçoise.
Le galet dans la main de l’enfant au bord du lac d’Annecy,
la motte de terre sous le sabot du cheval en Franche comté.
Je suis le caillou perdu sur la côte escarpée du Pas de Calais,
la goutte d’eau qui glisse sur la nuque d’une jeune fille corse
Je suis tout et je ne suis rien
Ma terre natale, ce sera toujours le monde mais l’unique lieu où je m’établirai pour quelque moment sera celui de mon dernier soupir.
FrédériqueJe suis du sud !
Je suis née du rapprochement de ces deux êtres . Visiblement, je pris les cheveux noirs et la peau brune de ma mère et sans doute de mon père le goût de la chaleur et de la liberté.
Je n'aimait que le soleil de l'été celui qui nous chauffe le sang et nous libère des vêtements . Je n'aimait que l'été avec ses jours longs et ses nuits accueillantes
J'étais du sud sans le savoir … sans le connaître, jusqu'à ce que nos vacances nous y emmènent ; nos vacances et le train.
De Perrache à Marseille St Charles, cinq voyageurs chargés de bagages poursuivaient leur périple dans un petit train . Il filait à travers les monts escarpés ,après quelques tunnels il débouchait subitement sur des flash bleus : La mer, éclatante, qui nous sautait aux yeux, faisait bondir notre cœur et nous ressortait par la bouche : « Ôh, la mer ! »
Au village de vacances, c'étaient les cigales qui nous baignaient de leur chant. A peine descendus de la fourgonnette, avant d'avoir posés les bagages, les vacances commençaient par la première bouffée de cet air : L'effluve des pins sous le soleil au zénith. Tous le monde exultait , j'étais dans mon élément.
Notre périmètre de liberté était très étendu et multiple : La plage de galet pour les, rencontres, la pinède pour les excursions et des rochers partout pour les chèvres que nous autres enfants devenions. La pointe lisse et beige qui fermait la plage et s'avançait dans la mer où s’allongeaient loin les amoureux puis de l'autre coté des rochers blancs plus irrégulier qui bordait la côte pour chercher des crabes et des oursins et pour finir un énorme bloc du même blanc au milieu de l'eau, île de mire des bons nageurs , sémaphore éternel , point de vue qui distingue le lieu. Ainsi était il ce lieu et la chaleur par dessus tous cela qui allait si bien avec le reste.
Je suis née pendant ces vacances. Ces vacances où nous rencontrions des enfants d'autres régions, d'autres pays où les soirées étaient dansantes ou spectacle, où les parents jouaient pendant que les enfants s'investissaient dans l'élevage de chatons sauvages à leurs heures perdues . Ces vacances où nous nous sentions vivants .
Je suis de tous les sud, de tous les coins du midi, de toutes les rives de la méditerranée mais je suis surtout de ce coin de côte, au bout de cette route assez enclavé, je l'espère, pour s'être fait oublier , caché de la propension de l'homme à grignoter l'espace. Je suis de ce coin de pinède autours du viaduc du chemin de fer avec en bas la plage de galet si peu attrayante aux foules d'aujourd'hui . Je suis de ce coin où les vagues sont plus fraîches, la mer plus bleue et le soleil plus cuisant.
IZALa terre de mon enfance.
Le terreau fertile de mon enfance, fût la lecture.La
Comtesse de Ségur m’a emmenée dans son univers, au sein d’un
château de la campagne française où l’éducation des enfants menée d’une main de
fer m’a fait découvrir un mode de vie.
Celui-ci, quelquefois injuste, avec pour personnages des enfants aux habits
surannés du siècle dernier commettant des sottises et quelques maladresses.
Les contes d’Andersen m’ont rendue très malheureuse Avec la bibliothèque verte sur des îles lointaines, j’ai traversé les tempêtes avec les moussaillons, j’ai subi les naufrages et certaines périodes de mon enfance ont été apaisées par ces récits dans lesquels je me jetais à corps perdu pour fuir la réalité et regagner la terre ferme.
J’ai abordé d’autres paysages, d’autres rivages que j’ai fait miens.
Adolescente, j’adorais m’isoler dans le jardin familial sous un arbre avec un livre. J’ai découvert le racisme des années cinquante, soixante, dans l’Amérique lointaine. J’ai entrevu la difficile existence de cette population noire. Le livre « La case de l’Oncle Tom », « Pleure ö mon pays bien aimé », sont deux titres gravés dans ma mémoire.
J’aurais voulu arrêter le massacre des Indiens en Amazonie et de la forêt transpercée par la route transamazonienne malgré la végétation reprenant inlassablement possession de son territoire..
Les romans à l’eau de rose avec des fins « glamour », je les lisais sur des magazines comme Nous deux, Confidences, Femme d’Aujourd’hui etc . dans le grenier de mes grands parents, même par de chaudes journées d’été.
Dans l’immensité dela Russie , j’ai squatté un
bois dans la toundra. J’étais dans la troïka tintinnabulante et glissant
sur la neige. J’ai adoré le romantisme
des héros, des écrivains Russes.
La liste est longue pour relater mes lectures jusqu’à aujourd’hui.
La terre de mon enfance c’est tout cela, un ensemble de sensations, d’exaltations, d’appréhensions. Lecture, tu as été ma bouée de sauvetage, tu m’as ancrée sur ma terre natale. Tu m’as fait humer des odeurs nouvelles, inconnues, toucher des rochers, dériver sur des eaux limpides ou tumultueuses.
Je me suis enracinée virtuellement sur ces lieux imaginaires et me considère « citoyenne du monde ».
Simonne, le 21-01-2012
Simone